Il était une fois...

J'habite le quartier. Avenue de la Grande Armée. Aussi, je prends régulièrement le métro à la station Argentine et je déjeune au café juste à côté, le Café L'Obligado. 

Et puis il y a ce matin, pas comme les autres, où on se pose des questions existentielles, et on se dit, pourquoi ? Why ?Pourquoi je dois me lever tous les matins ? Vers où tous ces gens courent ?  Pourquoi je ne suis pas heureux ? Il est où le bonheur ? 

ET bien ce matin là, j'étais en terrasse, devant l'enseigne du café, et je lis "Café l'Obligado". Et bizarrement je trouve ça bizarre. D'où vient ce nom ? 

Dans le quartier, en général, c'est avec les mots comme étoile, triomphe, arc qu'on nomme les adresses. L'Arc Food, Hôtel Etoile, etc.  Mais appeler son commerce L'Obligado, à moins de s'appeler Obligado en nom de famille...

Je mets mon chapeau d'Indiana Jones et je pars faire mon enquête

L'Obligado c'est argentin. C'est une rivière qui coule en Argentine et qui rejoint le fleuve PARANA, un très grand axe fluvial. Curieux hasard, nous sommes à deux pas du métro Argentine.  Coïncidence ? De l'autre côté de l'avenue de la Grande Armée, il y a une rue qui s'appelle : rue d'Argentine. Aussi, pourquoi ce café ne s'appelle pas Café de l'Argentine ? 

L'obligado c'est aussi une bataille menée en Argentine par des troupes françaises. Nous sommes fin du XVIIIème siècle. Maîtriser les océans, les mers et les fleuves, c'était maîtriser les voies de circulation, donc le commerce. Le Fleuve PARANA ouvrait sur tout le marché sud-américain et il était depuis des années exploité par la France et l'Angleterre. 

Mais voila, qu'un trouble fête, un certain Juan Manuel de Rosa, Argentin, Président de la confédération argentine (l'Argentine n'était pas encore un état uni), décide de contrôler la zone ! 

Quel toupet ! Un président argentin trouve que le fleuve qui coule en Argentine doit être sous le contrôle du même état et que des puissances étrangères ne peuvent l'utiliser à leurs guises ! 

"Oui, mais on jouait là avant et on a pris nos habitudes. C'est notre bac à sable à nous, maintenant, va jouer ailleurs" ont rétorqué les Français et les Anglais et ils envoyèrent des bateaux guerroyer la bas. Ils étaient plus forts en armement, car plus riches et plus avancés technologiquement. Les argentins résistèrent A LA VUELTA DE L'OBLIGADO, un petit coude du cours d'eau, mais durent s'incliner. 

Un peu simpliste comme réflexion ?

C'est un peu l'histoire des colonisations mal négociées où l'occupant n'a pas su partir à temps, ou mieux, en négociant avec le pouvoir local pour garder des liens intelligents. L'histoire se répète encore aujourd'hui en Afrique, vous ne trouvez pas ?

D'ailleurs la fin de l'histoire va dans ce sens. Les "vainqueurs" ont dû abandonner leur commerce sur le fleuve. Et lorsque les gouvernements changèrent, les nouveaux ont su s'assoir à une table et négocier des accords "win-win" comme on dit. 

Mais il a fallu passer par une guerre pour ça. 

Le jour où on a effacé le mot Obligado.

C'est au moment de la visite d'Eva Perón à Paris. Eva Péron, c'est cette femme incarnée par Madonna au cinéma. C'était l'épouse du président de l'Argentine de cette époque Juan Péron. La France sortait de la 2nd guerre mondiale, exsangue, proche de la famine. L'Argentine est venue apporter son soutien. Et en remerciement, en 1948, la France décida d'effacer cette "supposée" défaite des argentins en effaçant toute trace d'Obligado sur les édifices publics. 

Mais le Café Obligado étant privé, il garda son nom.